« Tout le monde faisait comme ça » Des taxis de Marseille devant les tribunaux
Un système régi par une organisation criminelle. Lors d’un réquisitoire express reprenant les arguments et les expressions utilisés lors du premier procès, le procureur Jean Moineville a une fois de plus suscité de vives réactions. Le ministère public décrit le fonctionnement des taxis marseillais comme étant sous une emprise totale, avec une loyauté entre les membres, une culture du silence et une inversion des valeurs. C’est du moins ainsi que le système était perçu lors de l’enquête judiciaire ouverte en décembre 2010. Hier, devant la 6e chambre du tribunal correctionnel, trois chauffeurs aujourd’hui à la retraite et un expert-comptable étaient appelés à comparaître.
Des pratiques illégales et généralisées
Quatre hommes, dont les dossiers ont été séparés de l’audience précédente, sont impliqués dans une affaire qui concerne un total de 33 personnes accusées de pratiques illégales répandues. Il s’agit notamment de faux bons de transport, de défaut de remise de ces bons aux clients, de faux tampons, de faux contrats de travail, de jumelages de courses et de majorations de prix. Le procureur souligne que cet environnement était complètement étanche à la légalité. Il est essentiel de rappeler qu’il y a des explications à l’émergence de ce système frauduleux, mais il a été alimenté par la cupidité alors qu’il existait d’autres solutions.
Dans leur plaidoyer, les avocats Mes Loïc Roccaro et Pascal Roubaud font valoir que leurs clients, d’anciens chauffeurs de taxi, ont été contraints d’utiliser des méthodes astucieuses (système D) par nécessité de rentabiliser une licence coûteuse et pour combler un manque à gagner de 300 € ou 400 € à la fin du mois. Me Yann Prévost, conseil de l’expert-comptable, essaie de relativiser en affirmant que lorsque l’on parle de « système », il s’agit simplement d’habitudes, d’un mode de fonctionnement culturel local que votre juridiction est censée réguler en dernier recours. Selon cet avocat, ces habitudes font partie intégrante du caractère des Marseillais et peuvent se résumer par la phrase suivante : « Je fais ce que je veux jusqu’à ce qu’on me demande d’arrêter. Et il faut le demander avec insistance. »
Les anciens chauffeurs, aux cheveux blancs, à la vision chancelante et à la démarche incertaine, comparaissant plus de dix ans après les faits, cherchent à expliquer aux juges le contexte qui régnait à l’époque dans la profession à Marseille. « C’était la norme à cette époque-là, tout le monde agissait de cette manière… », plaide l’un des prévenus. « Depuis l’école, nous savons que dire ‘oui, je discutais mais mon voisin aussi’ n’empêche pas le professeur de faire des remarques », rétorque le président Pierre Jeanjean. Le ministère public réclame des peines allant de trois à dix-huit mois de prison avec sursis et des amendes pouvant atteindre 15 000 €. Le délibéré est prévu pour le 19 juin.